Les 10 clés écospirituelles

Dans la recherche d’harmonie globale d’un vivre-ensemble apaisé avec soi, les autres, la Terre et le Vivant, lescommunautés spirituelles offrent un large éventail des « qualités » permettant de cheminer vers cet idéal. Certaines « qualités » –telle que la pratique spirituelle, la sobriété, la fraternité ou l’agriculture… – se retrouvent partout à divers degrés. D’autres « qualités » – tels que le soin à l’alimentation, le travail psychologique ou la gouvernance partagée – se vivent dans plusieurs centres, mais méritent un développement. D’autres éléments encore – comme la dimension artistique, l’attention aux personnes âgées, la désobéissance civile… – sont rarement présents et demandent une à être considérés plus amplement.

Pour tracer le chemin, nous proposons ici dix éléments essentiels constitutifs d’une démarche écospirituelle globale et cohérente :

  1. L’ancrage dans une vision écospirituelle
  2. La pratique spirituelle et le travail de connaissance de soi
  3. Une approche systémique et holistique de la vie
  4. Un vivre-ensemble harmonieux et l’esprit de service
  5. S’ouvrir au monde et croiser les réseaux
  6. Transmettre, éduquer, être créatif
  7. Une économie de la sobriété et du partage
  8. Développer une relation harmonieuse à la terre, à la nature, au vivant
  9. Valoriser une alimentation saine, la santé holistique et le soin porté au corps
  10. Développer un lien fraternel avec les animaux

1- L’ancrage dans une vision écospirituelle

C’est le fondement : s’enraciner dans une vision spirituelle – théologique, philosophique ou conceptuelle… – intégrant, de façon plus ou moins explicite, les principes d’unité, d’interdépendance, de compassion, de charité, de bienveillance, de non-violence. Bien compris, ces principes permettent à l’humain de retrouver sa juste place au sein de la grande toile du vivant, mais aussi d’expérimenter une fraternité plus large avec l’ensemble des créatures et de s’ouvrir à la dimension sacrée de la vie, reflet de la présence du divin en toute chose.

Nous vous proposons ici de découvrir dans leurs grandes lignes les fondements écospirituels des différentes traditions, à travers des textes de référence, des entretiens, des vidéos….

  • Visions de la tradition chrétienne
  • Visions des sagesses orientales (bouddhistes, hindouistes, bishnois, brahma Kumaris..)
  • Visions de la tradition musulmane
  • Visions de la tradition juive
  • Visions des autres traditions
  • Visions des nouvelles spiritualités

2- La pratique spirituelle et le travail de connaissance de soi

La vision spirituelle seule ne suffit pas. Elle doit s’incarner dans une pratique spirituelle, individuelle ou collective, qui peut prendre des formes diverses : médiation, prière, contemplation, pleine présence, ascèses, jeûne, intercession pour le monde…

Pour certaines communautés, comme l’Arche de Saint-Antoine, le Village des Pruniers, le Centre Amma, Findhorn ou Damanhur, la pratique spirituelle est indissociable d’un travail de connaissance de soi et de guérison des blessures. Leur conjugaison est la condition sine qua non d’une transition intérieure, d’une véritable métanoiade l’être, propre à soutenir avec justesse la transition sociétale. Cette dimension « psychologique » n’est parfois pas du tout présente, et c’est un manque.

Nous vous proposons de découvrir certaines ressources développées par les communautés.

  • Quelques pratiques spirituelles des différentes traditions (prière, jeûne, méditation…)
  • Quelques outils de connaissances de soi et de guérison des blessures

3- Une approche systémique et holistique de la vie

Développer une approche systémique – portée conjointement par les sciences et les traditions spirituelles – dans tous les aspects de la vie, permet de sortir de la vision réductionniste, cartésienne et dualiste, de notre culture et d’élargir considérablement les perspectives. Il s’agit notamment de comprendre que le tout est supérieur à la somme des parties et que toute vie est reliée au sein d’un vaste réseau d’interrelations. Une telle approche a des incidences notoires sur notre façon de voir le monde et d’interagir avec lui. Elle nous conduit à plus de respect, de responsabilité et de créativité, comme l’écrit Fritjof Capra dans la Toile de la Vie: « L’écologie, entendue au sens large, met en évidence l’interdépendance fondamentale de tous les phénomènes et notre intégration – donc en définitive notre dépendance – aux processus cycliques de la nature, en tant qu’individu et que société».

  • Quelques outils de la pensée systémique

4- Un vivre-ensemble harmonieux et l’esprit de service

Dans les communautés, les personnes sont appelées à vivre longtemps ensemble – voire toute leur vie, et souvent de façon très rapprochée. C’est pourquoi développer des formes de vivre-ensemble en harmonie est un impératif. Les méthodes et les outils de la nouvelle gouvernance, adaptés aux enjeux de notre temps peuvent être précieux, même si, comme dans les communautés de type monastique, ils sont difficilement applicables tels quels.

L’esprit de service, qui se retrouve sous la forme du sévadans l’hindouisme ou duSamudans le bouddhisme zen, par exemple, et la dimension d’accueil portés par ces lieux sont également cruciaux. « Refuges » pour les êtres chahutés par des tempêtes, îlots de transition offrant des alternatives de vie concrètes, espaces de partages et d’apprentissage, lieux-ressources pour l’intergénérationnel, les centres spirituels répondent à de multiples besoins de notre société.

L’accueil inconditionnel des personnes en grande précarité, comme les migrants, ou en souffrance psychologique demande des compétences particulières ; il n’est pratiqué que par certaines communautés (éco-hameau de la Chaux, le Village Saint-Joseph ou encore, en projet, l’éco-hameau de La Bénisson-Dieu). Sans tomber dans le catastrophisme, comment ces lieux pourront-il répondre aux demandes grandissantes d’un monde au bord de l’effondrement ? C’est une véritable question.

  • Les ressources d’un vivre-ensemble harmonieux
  • La pratique du « service »
  • Les ressources pour accueillir

5- S’ouvrir au monde et croiser les réseaux

Le risque inhérent à toute communauté est de se replier sur soi et, comme dans la nature, de ne plus développer assez d’interactions avec son « environnement » pour lui permettre de survivre. Les communautés spirituelles florissantes sont celles qui – dans la conscience de l’importance d’un enracinement fort dans une pratique, une famille communautaire ou une religion – ont osé des ouvertures vers le monde extérieur.

Il semble indispensable de créer des ponts, de développer des liens de voisinage, d’accueillir des jeunes (comme par exemple pour les sessions « Terre et Prière » à l’abbaye de Maylis), de s’ouvrir à des milieux totalement autres (comme par exemple le centre Dechen Chöling, qui construit son jardin en synergie avec les gens de sa région). Encourager la présence de néo-ruraux ou permaculteurs de tous poils en quête de sens aux côtés de monastères dépeuplés, mais riches d’intériorité, permettrait, peut-être aux uns et aux autres de se nourrir mutuellement, qui de laitues, qui de psaumes. L’écologie devient alors la thématique qui traverse la vie partagée.

Plus largement, l’approche systémique encourage toute forme de dialogue : avec les autres disciplines telles que la science, l’art ou la psychologie ; avec les autres traditions spirituelles.

  • Réseaux de dialogue interspirituels (DIM, Fontaine des religiones etc.)
  • Mouvements de foi engagés pour l’écologie (Green Faith, Living the Change, GCCM…).
  • Réseaux alternatifs citoyens (Gen, Oasis, Colibris, Extinction rebellion…)

6- Transmettre, éduquer, être créatif

Les communautés sont souvent des laboratoires in vivo, ne serait-ce que parce qu’elles concentrent – au sein d’une même unité de vie – une diversité de personnes et de talents. Elles peuvent être des lieux de recherche et d’expérimentation de solutions innovantes. Elles peuvent aussi devenir des centres de ressources et de transmission auprès du grand public, contribuant ainsi à la diffusion des valeurs écospirituelles. C’est par exemple le cas du Centre Amma qui en a fait le cœur de ses activités et qui propose des outils très concrets pour apprendre à tailler des arbres, faire du compost ou élever des abeilles. Certaines communautés ont créé des centres de formation, des universités ou des collèges. Une source d’inspiration, hors cadre religieux, est le Schumacher Collegeen Angleterre, dont les enseignements reposent sur une approche spirituelle de l’écologie.

La sensibilisation et l’éducation des enfants est, dans cette perspective, particulièrement importante. Elle est déjà prise en compte dans divers lieux, comme au Village des Pruniers, à Findhorn ou à l’Arche de Saint-Antoine où des stages sont spécifiquement organisés à leur attention. Un aspect qui reste à développer plus largement.

Enfin, la créativité et la dimension artistique – très fortement présentes à Damanhur et à Findhorn, mais peu en d’autres lieux – mérite d’être encouragée, car elle est l’une des composantes fondamentales de la réalisation et de l’offrande de soi.

  • Education des enfants et des jeunes
  • Sensibilisation à l’écologie
  • Développer l’art et la créativité

7- Une économie de la sobriété et du partage

Par sa nature même, tout monastère cultive une dimension écologique par les principes de son mode de vie, qui ont pour noms simplicité, sobriété, mise en commun des biens et des ressources, place accordée au travail manuel et, normalement, retrait loin de l’agitation et des tentations du monde. L’empreinte écologique d’un moine est largement inférieure à celle d’un Français. Cependant, il existe des variations sensibles entre une communauté telle que l’Arche de Gwenves en Bretagne, qui vit une forme de pauvreté évangélique en produisant et fabriquant tout ce dont elle a besoin (blé, pain, chaussures, tissus, vêtements, meubles…) et une grande abbaye qui commande ses repas à une multinationale comme Sodexo.

Pousser la sobriété dans ses dimensions à la fois spirituelle (par la pratique de certaines ascèses salutaires comme le silence ou le jeûne) et écocitoyenne, en développant des formes d’autosuffisance, peut être un pari audacieux mais censé. D’une façon générale, tendre vers une économie de la subsidiarité (basée sur la réponse aux besoins vitaux qui exclut de fait toute production industrielle et tout consumérisme) permet de réduire considérablement son empreinte sur la planète. C’est, dans une certaine mesure, le chemin qu’ont commencé à prendre les sœurs de Taulignan en fabriquant leur huiles essentielles, les sœurs de Solan en produisant leur vin bio, ou encore les moines de Maylis en cultivant et vendant leur plante médicinale…

  • Décroissance & Autosuffisance
  • Travail manuel
  • Recyclage et gestion des déchets

8- Développer une relation harmonieuse à la terre, à la nature, au vivant

Force est de constater que dans de nombreux cas l’écologie entre dans les communautés par la porte du jardin. C’est, pour beaucoup de moines et moniales, une occasion de renouer avec une dimension sensible, physique, concrète : celle de la relation à la terre et aux éléments, qu’ils avaient peu ou prou perdue. Divers maîtres comme Amma, Thich Nhat Hanh ou le Dalaï-lama, encouragent ces retrouvailles avec la terre, l’humus.

Il est également urgent de repenser la relation à la terre dans une perspective de solidarité, de coopération, d’enrichissement mutuel, et de rétablir un dialogue autre qu’utilitaire avec les éléments naturels, comme le préconise Findhorn, Damanhur ou encore les Brahma Kumaris à travers l’agriculture yogique par exemple.

Ecouter, observer, se laisser inspirer et enseigner par l’intelligence de la nature, tels sont les apprentissages qui émergent dès que l’on s’ouvre à son intimité. Vivre ainsi, c’est déjà pratiquer une forme de permaculture. Cela peut ensuite s’appliquer à toutes les sphères de la vie.

  • Cultiver la terre avec douceur
  • Entrer en dialogue avec les éléments
  • Retrouver le lien avec le vivant

9- Valoriser une alimentation saine, la santé holistique et le soin porté au corps

La question de l’alimentation est une clé de la conversion écologique, car elle établit le lien entre notre corps et le corps du cosmos. La qualité de notre alimentation conditionne la qualité de notre santé – et de celle de la terre. Pour les chrétiens, elle est aussi espace de communion eucharistique à travers le partage du pain et du vin, comme le rappelle cette phrase pleine de sens de Thich Nhat Hanh : « Le pain dans ta main est le corps du cosmos ».

Nombres de monastères chrétiens sont pourtant très incohérents sur ces questions : ils consomment des produits industriels sans saveur et sans âme, pour la plupart même pas biologiques. Les communautés bénédictines, supposées suivre la règle de saint Benoît stipulant l’abstention de viande de quadrupèdes, consomment ce type de viande – sauf exception – presque chaque jour. Une inconséquence qui a des effets négatifs pour la santé humaine, celle de la planète et des plus pauvres ! Heureusement, les communautés orthodoxes relèvent la moyenne ; la plupart sont végétariennes, et vegan (sans laitages, œufs, sous-produits animaux) en périodes de carême et de jeûne – c’est-à-dire près de la moitié des jours de l’année.

La question de l’alimentation touche de près celle de la santé et du soin porté au corps. Elle est, en ce sens, révélatrice de l’opposition entre le corps et l’âme, qui reste prégnante dans la tradition chrétienne. En saisissant le lien entre le soin apporté à notre corps et celui apporté au corps de la Terre, on comprend combien l’alimentation et plus largement une vie saine peuvent avoir d’impact sur le plan d’une écologie globale.

  • Une alimentation saine et non violente
  • Une santé holistique
  • Le soin au corps

10- Développer un lien fraternel avec les animaux

Il est un manque qui n’est comblé par aucun lieu, si ce n’est dans une toute petite mesure par le centre bouddhiste Mahmoudra Ling qui pratique le rituel de libération des animaux, ou par le Jardin de la paix qui inclut l’idée de soin aux animaux : c’est celui d’une vie pacifiée et sensible aux animaux sans autre utilité que la joie de vivre ensemble.

Nous pourrions imaginer un espace de nature suffisamment grand et préservé pour inviter des animaux sauvages en leur garantissant une paix totale, mais aussi pour accueillir et soigner les animaux blessés ou trop vieux comme chez les Bishnoïs. Autrement dit, rêver un sanctuaire (voir le site d’Animaterra) où les animaux et les humains pourraient vivre en paix dans une forme de communion telle que la vivait saint François d’Assise ou telle que la décrit la prophétie d’Isaïe (Isaïe 11, 6-8) : « Le loup habitera avec l’agneau, et la panthère se couchera avec le chevreau. Le veau, le lionceau et le bétail… seront ensemble. Et un petit enfant les conduira».

  • Passer de la prédation à la communion
  • Communication animale
  • Soigner les animaux
  • Grandir ensemble
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